Quelle est votre formation ?
Je suis économiste de formation. J'ai fait toutes mes études à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, où je travaille aujourd'hui comme maître de conférences à la Faculté des sciences économiques et de gestion.
Aujourd'hui, je joue un triple rôle à l'UCAD. Premièrement, j'enseigne aux étudiants de première année des cours fondamentaux tels que la macroéconomie, la microéconomie et les statistiques, mais aussi des cours spécialisés, comme l'économie agricole, l'analyse de la chaîne de valeur, l'évaluation et la gestion de projet. En second lieu, je suis le directeur adjoint du programme de doctorat WASCAL, où je suis responsable de la coordination et du suivi des travaux de recherche des étudiants. Enfin, je suis le chef du bureau du Centre de Pédagogie Universitaire à la Direction des Affaires Pédagogiques de l'UCAD avec pour mission d'accompagner les programmes de formation pour répondre aux normes de qualité.
Avant de rejoindre l'Université, j'ai travaillé comme chargée de recherche à l'Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) entre 2012 et 2016. J'ai également beaucoup d'expérience dans des projets de recherche et développement au Sénégal avec des partenaires d'universités et de centres de recherche reconnus dans les domaines du changement climatique, du développement des chaînes de valeur agricoles, etc. J'ai également eu l'occasion de bénéficier de quelques séjours scientifiques au CRDI (Clermont-Ferrand), au CIRAD (Montpellier), à l'IFPRI (Washington) et à l'Université de Paris-Nanterre.
Quel rôle jouez-vous dans le projet SustainSahel ?
Dans le projet SustainSahel, je coordonne les activités du WP3 : Adoption and scaling pathways in Senegal sous la supervision de Christian Grovermann. Notre WP opère strictement dans les sites de Niakhar au Sénégal et de Koulikoro au Mali et vise à (i) identifier les facteurs d'adoption, (ii) évaluer l'impact des innovations agroécologiques diffusées par le projet, et (iii) mettre à l'échelle les pratiques agroécologiques.
Comment votre travail contribue-t-il à notre compréhension de l'agroforesterie au Sahel en général ?
L'objectif global du projet SustainSahel est de mettre en œuvre une approche multipartite axée sur la demande pour faciliter l'utilisation des résultats de la recherche sur l'intensification durable. La contribution du WP3 est de produire des preuves solides de l'efficacité du renforcement des capacités des producteurs du Sahel à travers leur exposition aux innovations technologiques liées à l'intégration des arbustes, des buissons et du bétail dans les systèmes de production.
Pour y arriver, nous nous appuierons sur les données d'enquêtes auprès des ménages collectées avant et après les interventions du projet dans les villages bénéficiaires et de contrôle en utilisant une approche d'essai contrôlé randomisé. Nous avançons donc plusieurs hypothèses que nous allons tester :
Première hypothèse : l'effet sur le revenu qui résulterait des économies potentielles sur les dépenses directes résultant de la réduction de l'utilisation d'intrants externes (par exemple, engrais chimiques, insecticides, herbicides) grâce à l'utilisation de technologies d'intensification durable. Ces économies pourraient à leur tour être utilisées pour des investissements des ménages dans des intrants productifs et améliorer ainsi le bien-être des ménages.
Deuxième hypothèse : amélioration des rendements et de la résilience grâce à l'amélioration de la fertilité des sols, ce qui pourrait augmenter la productivité animale et végétale et donc améliorer la sécurité alimentaire et/ou la diversité alimentaire des populations rurales.
Que pouvez-vous dire jusqu'à présent sur les voies d'adoption des pratiques agroforestières au Sahel ?
Nos premiers résultats confirment le potentiel agroforestier du Sahel, qui, grâce à une intégration adéquate de certains arbres et arbustes dans les systèmes de production, peut améliorer durablement les écosystèmes humains, animaux et environnementaux, et rendre ainsi sa révolution "plus verte". Pour pouvoir le faire, les décideurs politiques ont besoin d'être informés par des recommandations de recherche fondées sur des données probantes concernant les moyens d'adopter des pratiques agroforestières. C'est l'objet de notre premier livrable, dont les résultats mettent en évidence la viabilité économique des techniques existantes d'intégration d'arbustes ainsi que les facteurs et les contraintes pour promouvoir des stratégies d'intensification à travers l'analyse de la compréhension, de l'utilisation et de l'abandon de l'utilisation des innovations agroécologiques.
Les résultats montrent que l'accès à la vulgarisation et la participation à des formations améliorent la sensibilisation à la gestion de la fertilité des sols par l'agroforesterie. De même, les informations fournies par la vulgarisation publique, les ONG et les membres de la communauté sont fortement associées à une intensité d'adoption plus élevée. Par conséquent, le renforcement des systèmes de vulgarisation publique qui s'engagent pleinement dans les réseaux de connaissances locales est essentiel pour soutenir la transition vers la gestion de la fertilité des sols basée sur l'agroforesterie.
Quel a été le point fort de votre mois d'échange au FiBL Suisse ?
Je suis définitivement revenu du FiBL avec une meilleure compréhension de l'agriculture agro-écologique grâce aux échanges formels et informels avec des chercheurs spécialisés en agriculture biologique.
Parmi les moments forts de mon séjour, il y a eu les présentations que j'ai faites dans différents départements sur mes travaux de recherche. Ces présentations ont été très bénéfiques car elles m'ont permis d'avoir un retour sur mes travaux mais aussi de poser les bases d'une coopération et de partenariats sans doute prometteurs pour la pérennité de nos interventions au profit de nos producteurs.
Deuxièmement, les visites que j'ai effectuées dans les champs expérimentaux du FiBL avec les chercheurs des départements de l'élevage et de la production végétale m'ont beaucoup appris. Je me suis rendu compte que l'agriculture durable n'est pas nécessairement synonyme de rendements plus faibles. En effet, les innovations technologiques développées autour des engrais organiques et de la lutte biologique garantissent une agriculture saine, intensive et respectueuse de l'environnement.
J'ai également été frappé par l'intérêt des chercheurs du FiBL pour l'agroécologie au Sahel. Les prochaines étapes confirmeront certainement l'opportunité d'une telle visite grâce aux publications sur lesquelles nous avons bien avancé ainsi qu'aux partenariats qui devraient se réaliser sous plusieurs formes.
Je ne saurais terminer cet entretien sans remercier l'ensemble du personnel du FiBL qui n'a pas ménagé ses efforts pour faire de cette visite scientifique un succès.
Rédigé par : Dr. Assane Beye, co-responsable des activités du WP3 au Sénégal, ISRA
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