À 18 km de Fatick, dans la petite ville sérère de Niakhar, au Sénégal, la plupart des habitants sont des agriculteurs. Mais dans le Sine, les agriculteurs sont inquiets. Le prix de l'engrais a doublé dans cette zone. "Le prix a énormément augmenté en peu de temps, passant de 7 000 francs CFA à 15 000 francs CFA le kilogramme, ce qui est hors de notre portée. Nous n'avons pas les moyens d'acheter de l'engrais, alors nous essayons de réduire notre consommation", explique Youssou Faye, un agriculteur local. Selon lui, il est inconcevable que dans un pays comme le Sénégal, qui produit de l'engrais, cet intrant puisse connaître une augmentation de prix aussi importante.
Depuis plus de deux ans, ces agriculteurs abandonnent progressivement l'engrais, grâce à des techniques innovantes acquises dans le cadre du projet Sustainsahel : "Ces techniques sont une aubaine pour nous. Aujourd'hui, nous utilisons le fumier, le paillage et d'autres techniques et cela fonctionne très bien, nos terres deviennent de plus en plus productives", explique Youssou Faye. Dans la même veine, Sokhna Faye, agricultrice du village de Tokasso (Niakhar), poursuit : "Aujourd'hui, nous vivons avec la hausse des prix des engrais, et il se trouve que les nouvelles techniques innovantes du projet SustainSahel sont une solution à cette crise pour nous, producteurs".
L'objectif principal du projet SustainSahel est de promouvoir des pratiques qui améliorent la qualité et le rendement des sols, mais aussi leur résilience. Ce projet se concentre sur les meilleures pratiques qui intègrent les arbres/arbustes et le bétail dans les systèmes de production. Ces pratiques sont souvent déjà existantes, ce qui a permis des collaborations fructueuses et des innovations de nouvelles pratiques telles que l'utilisation de l'arbre Guiera Senegalensis et de l'arbre Faidherbia albida pour augmenter les rendements des cultures, ou le paillage avec des feuilles de Guiera, entre autres.
Ce projet, qui existe depuis plus de deux ans au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali, est considéré comme innovant et a été étendu à plusieurs parcelles, ce qui, avec l'augmentation du prix des engrais, fait le bonheur des agriculteurs de Niakhar. Ils utilisent les différentes techniques, notamment le paillage qui fait l'unanimité. De nombreux agriculteurs ont témoigné de son efficacité : "Je travaille avec les chercheurs de SustainSahel, et nous avons pris les feuilles de l'arbre Guiera et les avons dispersées sur le sol, et j'ai vu que mes cultures de millet étaient beaucoup plus productives. J'ai essayé la même technique cette année, et à l'œil nu, on pouvait clairement voir la différence par rapport aux autres parcelles où je n'avais pas mis de Guiera. Aujourd'hui, je partage la pratique du paillage avec mes amis. Pour qu'ils ne brûlent plus les feuilles de Guiera , mais qu'ils les utilisent dans leurs cultures, car c'est beaucoup mieux que l'engrais, d'autant plus qu'il est de plus en plus cher".
Un autre agriculteur a ajouté : "Je ne remercierai jamais assez les chercheurs, car depuis que nous avons commencé à expérimenter de nouvelles pratiques dans mon exploitation, j'ai de très bonnes récoltes. Depuis plus de 20 ans, je n'ai pas vu mon champ aussi productif, je suis très satisfait de leur travail - je ne brûlerai plus jamais de Guiera. Le projet m'a beaucoup aidé à améliorer mes terres, mais certaines espèces, comme le Guiera, ne sont pas disponibles à Tokasso, mais le sont à Sanghaï. Par contre, nous avons beaucoup de Faidherbia Albida sur nos terres et elles sont très bénéfiques pour nos sols ; si nous en avons sept dans notre champ, avec ou sans engrais, nous aurons une bonne récolte. Je n'utilise pratiquement plus d'engrais".
L'utilisation d'engrais de synthèse, en plus d'appauvrir les producteurs, peut avoir des conséquences néfastes sur la santé humaine, animale et environnementale à court ou à long terme. Face aux prix élevés des engrais, ces techniques innovantes du projet SustainSahel arrivent à point nommé, si l'on en croit les agriculteurs de Niakhar. En plus d'être conscients du rôle important qu'ils jouent dans la préservation de l'écosystème, ils s'engagent à utiliser et à diffuser ces méthodes pour s'assurer de bonnes récoltes tout en préservant leurs terres et en ne dépensant pas leur argent en engrais chimiques.
Rédigé par : Fatim Lô Ndéye, Sénégal, CSE